Dossier - Trail et Podologie : Un peu de doigté avec vos pieds !

Olivier Garcin est podologue, posturologue, Traileur avertit et passionné. Dans le domaine du trail et de l'ultra endurance, plus spécifiquement, les pieds doivent faire face à des milliers de chocs traumatisants sur le sol.
Quels sont les maux récurrents à de telles sollicitations ? Comment faire pour limiter les impacts de cette pratique usante pour le corps ? Comment choisir de bonnes chaussures de Trail ?
Dans ce dossier Olivier réponds à toutes nos questions pour le bien-être de nos pieds.

 


Pourquoi prendre soin de ses pieds quand on fait du trail ?
Il faut prendre soin de ses pieds pour éviter les ampoules, qui, à elles seules, peuvent provoquer un abandon lors d’une épreuve.
Il y a aussi des risques d’hématome sous-unguéaux lorsque le pied tape contre des cailloux ou lorsque les ongles butent de manière répétitive contre le bout de la chaussure.
Tout cela pourrait cependant être évité facilement par quelques gestes simples avant de se lancer en course.



Quelles précautions?
Dans un premier temps pour éviter les ampoules voilà ce que je préconise :
•    Se masser les pieds avec du jus de citron 3 fois 15 jours par an tous les matins (le citron favorise l’épaississement et le renforcement de la peau)
•    S’enduire les pieds avec du beurre de karité (ou crème anti-frottement) le soir afin d’assouplir le derme. On obtient ainsi une peau souple et résistante à la fois.
•    Se masser 10 jours avant LA course, tous les soirs, avec une crème anti -frottement.
 Faire  un examen postural et dynamique, afin de corriger tous troubles, sources de pathologies tendineuses, musculaires, etc.…
 Et enfin prévoir une visite chez un pédicure/podologue, 2 à 3 semaines avant un gros objectif, pour un soin de pédicurie (coupe d’ongles pour éviter les hématomes, résection de durillons ou cors afin d’éviter la formation d’une ampoule en-dessous)

Peut-on mesurer les contraintes que les pieds subissent lors d’un ultra ?
On ne peut pas les quantifier ; cela est fonction des différentes techniques de course qui sont propres à chacun. Un traileur léger sur ses appuis n’aura pas les mêmes contraintes qu’un autre plus lourd qui s’écrasera de tout son poids au sol.
Des études ont révélé qu’un triple sauteur exerce une pression sur ses pieds, à chaque impact, équivalente en moyenne à 9 ou 10 fois le poids de son propre corps.
Un traileur qui adopte une foulée économique et rasante réduit ses impacts, mais la descente et le temps de course augmenteront ses traumatismes.
Il est important de travailler sa foulée pour la rendre la plus légère possible, pour s’adapter au terrain, au relief et à l’environnement.

Comment limiter ces contraintes lors des descentes ?

La course à pied est un sport plus technique que l'on ne le croit.
Ce sport demande un travail de sa technique pour limiter les traumatismes afin de prendre plus de plaisir.
La descente se travaille, il ne faut pas avoir peur d’engager son corps dans la pente. Celui qui freine et appréhende met son corps en arrière provoquant des pathologies des muscles  releveurs.
Lorsqu’on descend des marches d’escalier ou que l’on saute sur place, on pose d’abord l’avant-pied afin d’éviter un traumatisme important du talon et du reste du corps par vibration (le fameux « amorti »). En posant l’avant-pied (attaque digitigrade), on réalise une triple flexion hanche/genou/cheville qui est le véritable amortisseur du corps
En descente, éviter la pose du talon en premier, mais poser le pied de préférence sur l’avant -pied ou à plat. De cette façon on réalise la triple flexion des articulations cheville/genou/hanche.
Ce type de foulée sollicite de manière excentrique le quadriceps, c’est son rôle. Cette technique de course est très positive car elle met immédiatement en tension les muscles stabilisateurs de la cheville, limitant ainsi le risque d’entorse…

La chaussure en elle-même peut-elle réduire ces contraintes grâce à son amorti ?

 Ne pas croire que plus il y a de matière sous le pied (mousse, gel, air), moins il y aura de traumatismes.
La chaussure ne fait pas tout. Des semelles amortissantes, molles, épaisses afin d’éviter tout désagrément lors de la pratique de la course à pied nous font oublier une fois de plus l’essentiel : la Technique.
 Plus il y a de mousse sous le pied, plus le pied est haut rendant ainsi le corps instable. « L’amorti » ralentit le déroulé du pied provoquant des contraintes au niveau des genoux et incitant une attaque talonnière du pied au sol. C’est le contraire qu’il faut faire : il n’y a aucun muscle stabilisateur dans la périphérie du talon, donc pas de stabilité (surtout lors de la descente).

Pourquoi ressent-on du bien-être à utiliser une chaussure épaisse ?

La sensation de confort de course relâchée entraîne en fait une hypovigilance proprioceptive.
C’est une fausse sensation de confort qui trompe le jugement. En théorie le pied est un des 3 organes proprioceptifs primaires avec l’œil et l’oreille interne.
•    Le premier est l’œil : il conditionne la vue. Il vous informe en permanence sur l’environnement extérieur.
•    Le deuxième est l’oreille (interne) : elle permet d’intégrer les accélérations linéaires et rotatives.
•    Le troisième est le pied : il nous informe sur la position du pied,  la nature du sol,  la mise en tension proprioceptive afin d’éviter toute entorse.
  Si vous courez de nuit avec une frontale vous voyez moins qu’en plein jour, l’entrée visuelle est donc limitée, vous êtes donc moins sûr de vos appuis. Si à cela on rajoute un matelas de mousse qui vous coupe du sol, on limite alors l’entrée podale. 
Par ailleurs plus on court sur du « mou » (sable, neige, boue mousse) plus le pied se positionne en pronation ce qui incline aussi les genoux en rotation interne donc l’oblige à faire un mouvement contraignant.
Il faut trouver le juste milieu d’une chaussure amortissante ni trop ni pas assez, pour ne pas trop assister le corps, sans le traumatiser avec des semelles trop rigides.

Quels sont les critères pour bien choisir sa chaussure de trail ?
•    Eviter des semelles trop épaisses qui trompent le travail du corps
•    Vérifier que le pied soit bien tenu et qu’il ne bouge pas à l’intérieur de la chaussure
•    Avoir une bonne accroche pour éviter d’appréhender en descente
•    Avoir une bonne stabilité latérale
•    La chaussure doit respecter le déroulé du pas.

Existe-t-il des disparités selon si on est une traileuse ou un traileur ?

Les femmes sont en règle générale plus légères, et peuvent choisir des modèles de chaussures plus souples. Elles ont aussi les pieds plus fins et peuvent aussi choisir des chaussures plus fines. Les hommes doivent favoriser des chaussures plus structurées et plus larges

Quels sont les gestes de prévention à faire pour renforcer l’articulation des pieds ?
•    Se mettre debout sur une surface instable (lit, trampoline…..) les yeux fermés,
•    Alterner d’une jambe à l’autre : le déséquilibre engendré permettra de stimuler les réflexes proprioceptifs.

Un bon conseil : Attention à ne pas négliger une entorse bénigne : à l’inverse d’une entorse grave on prête moins d’attention à la rééducation et on augmente ainsi les risques d’entorse récidivante dans un futur proche.

Un mot sur votre pratique du trail :
"J'ai justement mis un pied dedans et depuis je m'éclate !"

Conclusions 
•    Donnez la priorité au budget chaussures
•    Ne pas hésiter à changer de chaussures (2 à 3 fois par an) selon l’intensité de la pratique
•    Travaillez votre foulée c’est la clé de votre confort.






Dossier réalisé avec l'aide précieuse d'Olivier GARCIN
•    Podologue du sport, posturologue sur Chamonix et traileur.
•    Membre du CMBM (club de course à pied sur Chamonix, des traileurs du Mont-blanc ), association podoxygène
•    Responsable podologue de «  the North Face Utltra Trail tour du Mont Blanc®. »

Lire le dossier complémentaire
 - Pathologie du pied et UTMB
 - Syndrome de l'essuie glace, le TFL