Actualité Trail :

Focus sur Michel Lanne (20/04/2012)



Michel Lanne, team Salomon est né le 26 octobre 1984 à Tarbes. Gendarme secouriste en montagne, il réside à Briançon.

Ton palmarès ?
2011 : vainqueur :
snow trail des Ecrins.
Trail de Glanum.
Trail Sainte-Victoire.
Trail du Galibier.
Trail des Aiguilles Rouges.

2010 : vainqueur Via Lattea Trail.

Tes sports hors trail pratiqués avant et aujourd’hui ?

Issu d’une famille de montagnards et exerçant le métier de secouriste en montagne, je pratique intensément alpinisme, escalade, cascade de glace, ski de randonnée, ski alpin. L’hiver à Briançon, il est parfois compliqué de courir à cause des quantités de neige et du verglas. Alors je délaisse un peu les chaussures de trail pour chausser mes skis de randonnée. Les deux activités sont carrément complémentaires.

Tes débuts en trail et raisons de ce choix ?
Depuis longtemps, je rêvais de découvrir le trail. Les ultras trails me fascinaient et j’ai toujours su qu’un jour, je me lancerai dans cette aventure. Pendant cinq années, j’ai consacré mon temps à préparer et obtenir les diplômes de guide de haute-montagne et de moniteur de ski alpin. En fin d’année 2010, j’ai décroché ces deux diplômes et me suis lancé immédiatement dans le trail. Au début, c’était juste un pari avec mon père. Le but était de participer au grand raid des Pyrénées et de faire mieux que l’autre ! Mais rapidement, j’ai été contaminé par le virus du trail. Quand je cours en montagne, je me sens bien. Je n’ai rien besoin de plus. Le trail est une façon de voir la nature, de la parcourir et de découvrir ses mille visages. L’aspect compétition est une façon de concrétiser les entraînements et une source importante de motivation.
Ma première course a été le Via Lattea trail à Sauze d’Oulx en Italie en décembre 2010, un trail nocturne sur neige, avec 30 km pour 2000 mètres de dénivelé. Une totale découverte de la discipline et de la compétition. Le coup de foudre en fait. A ma grande surprise, j’ai remporté l’épreuve.


En trail, tu préfères quels distance et terrains ?
Je suis attiré par l’ultra. Il représente le trail running dans sa pratique la plus extrême. Les notions d’effort, d’engagement, de dépassement de soi et de gestion de course sont poussées à leur paroxysme. L’aspect psychologique devient plus important encore que l’effort physique. L’ultra nous permet de jouer et de repousser les limites de notre mental et de nos ressources.
Je n’ai pas encore assez de recul pour savoir exactement quelle distance me convient le mieux mais je pense être assez efficace dès que je dépasse les 50 km. Dans la pratique de l’alpinisme, j’évolue souvent hors sentier, dans des zones non aseptisées où la recherche de l’équilibre et de l’efficacité cohabitent. J’ai donc un peu plus l’habitude de me déplacer dans des pierriers, des terrains accidentés et inégaux, où l’anticipation et la réactivité priment. J’adore courir sur des crêtes rocheuses déchiquetées, sur des terrains qui demandent un peu d’engagement et de risque aussi. Je prends également beaucoup de plaisir à courir sur de beaux singles en sous-bois, ou un large GR de montagne. En fait, en trail, le plaisir est omniprésent dès lors que je suis dans la nature !


Ton état d’esprit avant et au départ d’une course ?

Je suis assez perfectionniste dans la vie. Quand je décide de participer à une épreuve, c’est parce que je sais que je suis entraîné et que je peux rivaliser avec la concurrence. Au départ je me sens bien. Je ne me prends pas la tête à essayer de cerner l’ensemble des paramètres ou à tenter de jauger l’adversité. Je m’efforce seulement de gérer au mieux l’unique point que je peux maîtriser, c'est-à-dire moi !
La compétition est un aboutissement dans l’entraînement. J’ai besoin d’entraînement pour prendre du plaisir en course, mais l’inverse est tout aussi vrai. Esprit de compétition et découverte des paysages cohabitent très bien. La compétition n’est que la partie visible et médiatique de l’iceberg ! Heures d’entraînement et découverte de nouveaux terrains de jeux sont les piliers de la discipline.


Tes points forts et faibles ?
Je ne sais pas si j’ai véritablement un point fort. Mais je sais que j’ai des points faibles. Je préfère les garder secrets et tenter de les effacer !

Ton plus beau chemin couru, tes joies et déceptions ?

Le plus bel endroit que j’ai pu parcourir, se situe sur les crêtes de Peyrolle en-dessus de Briançon. Une crête rocheuse effilée et très aérienne sur plusieurs kilomètres. La vue est dégagée à 360 degrés sur le Briançonnais, la Durance, Clarée et Italie. Cerise sur le gâteau, ce lieu correspond à la fin du parcours de la Traversée 2011 que nous avons parcouru en juillet dernier avec Thomas Véricel et François D’Haene. Un final en apothéose.
Mon meilleur souvenir restera à jamais ma première victoire au Via Lattea Trail. C’était un sentiment incroyable de surprise et de fierté. Je me souviens aussi des dernières heures de course de la Traversée 2011 avec une inflammation des releveurs de mes deux chevilles qui avaient triplé de volume, une volonté d’aller au bout malgré la douleur insoutenable. C’est aussi ça le trail : chercher nos limites et jouer avec.


Ta grande rencontre sur le plan humain, ta course préférée et rêve de record ?
Celle avec mon coach Iñaki Sedano. C’est un amoureux de la montagne, un Pyrénéen attaché à ses racines, comme moi. Un perfectionniste dans l’entraînement, toujours à la pointe de l’innovation dans ce domaine. Mais Iñaki, c’est surtout un sage, avec une vision très pure du sport en général. Toujours à l’écoute de ses poulains, il a l’art de faire passer un message pour sans cesse me remotiver. Il s’occupe de planifier mes entraînements.
Deux courses sont mes préférées. La Diagonale des Fous pour la beauté des paysages et l’engouement sans pareil de toute la population pour cette course et ses « fous ». Le Trail des Aiguilles Rouges et la difficulté du parcours et la vue imprenable sur l’ensemble du massif du Mont Blanc. J’aimerais bien participer à une traversée en équipe de mes montagnes Pyrénéennes et rêve déjà à une nouvelle Diagonale des Fous.

Tes données physiologiques ?
1,84 m et 67 kg.

Ton entraînement, fréquence, contenu, motivation ?
Je m’entraîne entre 3 et 6 fois par semaine en fonction de l’objectif visé, période de l’année et du temps que me laisse mon activité professionnelle. Dans le cadre de mon métier, nous nous devons de rester en parfaite condition physique toute l’année. Le trail est aussi une façon de rester au top et je peux le pratiquer pendant mes heures de travail. C’est une chance de pouvoir allier passion et activité professionnelle. J’affectionne particulièrement les entraînements longs. Je recherche de nouveaux sentiers sur le logiciel de cartographie, avec plusieurs montées, de gros dénivelés et plusieurs heures de course en montagne.
Courir seul ne me pose aucun problème. C’est une façon de se retrouver, de réfléchir, d’analyser certaines situations et de s’évader de la réalité. Je ne suis pas pour autant un solitaire. J’ai besoin des autres, c’est sûr. Et puis mon métier est un métier d’équipe où l’esprit de cordée est omniprésent.
La compétition est une source de motivation très importante. Elle permet de faire le point sur un entraînement accumulé en amont et à partir d’elle, de confirmer ou de réorienter la suite de la saison jusqu’au prochain objectif. A l’entraînement, il faut éviter la monotonie, varier les parcours et allures. Le trail est une discipline aux mille facettes. Il serait dommage de ne pas chercher à la découvrir dans son ensemble.


Ta diététique ?
Dans ma vie quotidienne, je veille à manger équilibré, à garder une hygiène alimentaire saine, mais je suis très gourmand et ne me limite absolument pas dans les quantités ! Je ne suis pas du style à peser ce que je mange ! J’ai de très gros efforts à faire sur ce plan, mais je ne suis pas vraiment prêt à prendre de bonnes résolutions. Pour l’instant, en course, je n’ai pas de protocole fixe en ce qui concerne les ravitaillements. J’espère trouver la bonne solution durant la saison à venir ! Ce serait déjà un grand pas en avant !

Tes raisons de choix Salomon, et rapport avec le matériel utilisé ?

Salomon est le leader incontesté et la référence dans les sports de montagne. Ses teams, quelles que soient les disciplines, font partie des meilleurs mondiaux. Les produits Salomon font l’objet d’une recherche et d’un développement optimaux. Ils sont mis au point en relation avec les athlètes, ce qui permet d’arriver à une qualité et un aboutissement sans égaux. J’aime particulièrement les sacs Skin 5 et 12 litres. Ils se font oublier comme une seconde peau. J’attire une attention particulière aux chaussures. Elles nous relient au terrain. Il faut le ressentir au maximum sans être agressé. Je trouve que les S Lab 4 Soft Ground sont adaptées à tous les terrains que l’on peut rencontrer. Elles sont très précises, légères, et pourtant dotées d’un amorti très confortable.

Ton regard sur l’essor du trail, son organisation ?
L’explosion du trail est liée à un contexte particulier de notre société actuelle. Dans un climat préoccupant de crise économique, chômage, incertitudes en l’avenir, nous ressentons de plus en plus un besoin de retour aux sources, de rapprochement avec la nature. C’est une façon de fuir la réalité et ses problèmes pour se retrouver seul face à soi-même et à la nature.
Le trail touche un public très large, hommes et femmes, jeunes ou moins jeunes, montagnards comme citadins. L’équipement est minimaliste et accessible pour bon nombre. Nul besoin de structure ou d’encadrement pour s’adonner au trail running. On peut courir partout, dès lors qu’on est en extérieur.
Le trail fait partie des sports les plus exigeants en terme d’implication physique. Il semblerait que nous recherchons pourtant de plus en plus ce dépassement de soi, cette découverte de nos capacités à supporter l’effort. Tout simplement pour le bien-être que nous ressentons une fois l’effort produit, après une belle sortie entre amis, ou bien une fois la ligne d’arrivée franchie. En compétition, il n’y a qu’un seul premier, mais il y a bien plus de vainqueurs, car nous courons tous après nos propres objectifs, nos propres limites, nos propres records.
Le trail running est un sport jeune, qui ne demande qu’à grandir. J’ai confiance en son avenir, à condition que nous sachions le protéger des dérives néfastes. Dans le mot « dérive » il ne faut pas voir que le dopage ou l’argent, même si le dopage est le plus grand des fléaux dans le sport. Il me semble aussi important de rester proche des racines du trail et éviter d’en faire une activité sportive trop élitiste ou réservée à une minorité de coureurs. Il ne faut pas tomber dans la surenchère dans la difficulté ou de distance.
Mais surtout, sachons entretenir cette notion de liberté, dans un univers où le sport en général est aseptisé et répond à de trop nombreuses règles. Cette liberté, nous la recherchons tous, et le trail en est une belle illustration.


Le trail running discipline olympique ?

Les valeurs olympiques correspondent à celles du trail. Je pense que cette possibilité est tout à fait envisageable. Il faudrait bien-sûr qu’une fédération chapeaute notre discipline, qu’elle la développe et la mette en valeur. Oui, je vois bien le trail aux prochains J.O avec plusieurs épreuves sur différentes distances, pour qu’il y ait plus de chances de décrocher une médaille !

Les primes de courses, la professionnalisation ?
Je ne pense pas que la venue de l’argent soit un danger dans l’évolution de notre sport. Les primes sont une façon comme une autre de récompenser les meilleurs sur chaque épreuve. C’est une forme de reconnaissance pour l’investissement réalisé en amont. Quand on compte les heures passées à s’entraîner, les sacrifices réalisés sur le plan familial ou professionnel pour atteindre un bon niveau, pourquoi les lauréats ne pourraient ils pas être récompensés financièrement ? Je pense que la venue de l’argent est un faux problème. Il suscite la jalousie, où qu’il se trouve, tout simplement. La professionnalisation du trail running lui permettrait d’atteindre un niveau supérieur en reconnaissance et développement.

Tes conseils à un trailer, message à faire passer ?

Ne pas brûler les étapes pour éviter de se blesser. Prendre le temps de découvrir la discipline. Rester à l’écoute de son corps et humble face à la montagne. Elle sera toujours la plus forte. Ne pas se surestimer, mais croire en soi. La prudence est la seule façon de durer. Le trail est une façon magique de découvrir la nature et soi-même. Il faut toujours avoir plaisir à courir, c’est ce qui entretient la motivation.

Ton temps libre, loisir, autres passions ?

Je pratique de nombreux sports et j’en ai besoin. Je passe une grande partie de mon temps libre en montagne, avec ma femme. Mais j’aime parfois ne rien faire. J’aime beaucoup courir en musique à l’entrainement. C’est une façon d’occuper son esprit, et aussi de donner du rythme. Durant les séances de fractionné exigeantes, la musique est une source supplémentaire de motivation, elle m’est nécessaire. J’écoute des musiques de djeuns, des trucs qui bougent. Je suis fan de Pop, de R&B, de Dance. En fait, j’écoute un peu de tout.

Les champions que tu admires ?
Il y a une personne qui m'a toujours servi de guide et d'exemple, c'est mon père. Il a une carrière sportive hors norme, autant en escalade, alpinisme, ski de fond, qu'en ski alpinisme, avec dans cette spécialité un titre de champion de France et une deuxième place à la Pierra Menta. Il m'a transmis sa passion pour le sport et la montagne. J'essaie de suivre ses traces et j'écoute aussi ses conseils avisés! Mais au-delà, c'est son mental d'acier, sa volonté et sa motivation à toute épreuve qui m'impressionnent toujours autant. En trail, je suis fan de Kilian ! Outre ses capacités physiques hallucinantes, son palmarès incroyable et sa faculté d’être aussi performant sur un KV que sur un ultra, en trail comme en ski alpinisme, j’admire son état d’esprit, sa simplicité et sa vision de la compétition.
 
Et si tu étais une montagne et chemin ?

Je serais le Balaïtous. Un des plus beaux sommets Pyrénéens, avec ses arêtes déchiquetées et aériennes, et son sommet défendu par de grandes parois rocheuses.
Si j'étais un chemin, je serais un petit sentier perché en haute montagne, au milieu d'un univers minéral et sauvage, où seuls quelques cairns et quelques isards surpris, accompagneraient le trailer.


michel.lanne.over-blog.com

Photos Robert Goin

Faites connaissance avec les autres membres du team Salomon 2012
 - Thomas Lorblanchet
 - Julien Chorier
 - Fabien Nabias
 - Thibaut Baronian
 - François D’Haene
 - Guillaume Beauxis
 - Cyrille Gardet
 - Andy Symonds
 - Michel Rabat